Voyelle longue et voyelle brève
Les voyelles françaises sont généralement des voyelles brèves.
Occasionnellement, les voyelles du français peuvent connaître un allongement, mais contrairement à ce que l'on a en anglais dans la plupart des cas l'opposition de durée entre voyelle brève et voyelle longue a perdu sa valeur distinctive en français standard.
L'allongement compensatoire
Historiquement, l'allongement d'une voyelle française est un phénomène compensatoire qui résulte de l'effacement dans la prononciation :
- d'un [z] ou d'un [s] préconsonnantique
isle > île/ile [i:l] coste > côte [ko:t]
- d'un [e] au contact d'une autre voyelle
ëage > âge [a:ʒ] sëur > sûr/sur [sy:ʁ]
La trace de ce phonème subsiste souvent dans les graphies actuelles sous la forme d'un accent circonflexe.
À l'heure actuelle, cet allongement compensatoire n'est quasiment plus réalisé en français de France (où on dit et entend [il], [kot], [aʒ]), mais peut persister dans d'autres variétés du français ; il est notamment bien marqué en français de Belgique.
Le français de Belgique a ainsi conservé l'allongement compensatoire de l'effacement du [ə] muet / [ə] final. Ainsi un Belge tend-il à prononcer différemment On lit [ɔ̃ li] et On lie [ɔ̃ li:], alors que la plupart des Français ne feront pas la différence et prononcent [ɔ̃ li] dans les deux cas. Le français de Belgique maintient de la sorte à l'oral l'opposition entre masculin et féminin qui tend à disparaître en français oral standard :
ami [ami] >< amie [ami:] ému [emy] >< émue [emy:] aimé [ɛme] > aimée [ɛme:]
De même, la conservation de l'allongement compensatoire des voyelles permet en français de Belgique de dissocier certains homonymes, principalement monosyllabiques, devenus homophones en français standard :
il [il] >< ile [i:le] bette [bɛt] >< bête [bɛ:t] faite [fɛt] >< fête [fɛ:t]
L'allongement à valeur phonologique
Dans certaines variétés du français (dans une grande partie de la France et en Belgique), l'opposition de durée entre [a] bref et [a] long se substitue à l'opposition entre [a] antérieur et [ɑ] postérieur (Patte et pâte) :
Des pâtes, des pâtes, oui mais des Panzani ! [pa:tœ]
La durée à valeur ajoutée
En français actuel, l'allongement des voyelles est un trait optionnel, conscient ou inconscient, qui accompagne d'autres traits dont il représente la valeur ajoutée. On observe ainsi une tendance, inconsciente, à allonger légèrement les voyelles toniques. La longueur s'ajoute dans ce cas à l'accentuation de la voyelle tonique.
Agathe est formidable. [fɔʁmidábl] Jules est bête. [bɛt]
De la même manière, il existe une tendance, inconsciente, à allonger légèrement les voyelles fermées ou, vu par l'autre bout, à abréger les voyelles ouvertes. Comme il existe en français des voyelles à double timbre, l'opposition de durée vient dans ce cas s'ajouter à l'opposition de timbre entre voyelle fermée et ouverte. En outre, comme la voyelle fermée est en français caractéristique de la syllabe ouverte et la voyelle ouverte caractéristique de la syllabe fermée, l'opposition de durée s'ajoute à l'opposition de structure syllabique.
En français, on peut encore allonger de manière marquée une voyelle à des fins d'expressivité. La longueur se superpose dans ce cas à des faits d'intonation.
Agathe, tu es formidable ! [fɔʁmida:bl] Mon Dieu, Jules, que tu es bête ! [bɛ:t]
Dans tous ces cas, la durée de la voyelle est un trait qui s'ajoute à d'autres pour venir les renforcer, mais qui ne les remplace pas et ne devient significatif que cumulé avec ces autres traits.